Durabilité et gestion des risques, les efforts doivent se poursuivre
Lauren Hostettler
L’Observatoire des risques opérationnels (OpRisko) est une association sans but lucratif basée à Genève qui réunit des professionnels actifs dans la conformité et la gestion des risques au sein d’entreprises romandes. La dernière étude d’OpRisko, publiée en 2020, s’intéresse à la manière d’intégrer des principes de développement durable dans la gestion des risques d’entreprise. Les auteurs émettent l’hypothèse qu’une stratégie qui intègre des dimensions sociales, environnementales et de bonne gouvernance contribue à la maîtrise des risques d’entreprise. Pour cela, vingt-trois PME genevoises actives dans des secteurs économiques différents ont été interrogées. Celles-ci semblent intéressées par les enjeux de la durabilité, même si les définitions peuvent varier. Les entreprises sont conscientes qu’une attention limitée aux questions de durabilité peut avoir des conséquences négatives, notamment sur leur image, sur la difficulté à engager et à conserver son personnel ou à trouver des partenaires commerciaux et des investisseurs, ainsi que sur une diminution du chiffre d’affaires.
ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX AU CENTRE
«Les sondés de notre étude ont conscience que la nature est vulnérable et les ressources de la planète limitées. Pour preuve, les inquiétudes et les mesures sont principalement centrées sur les aspects environnementaux, parfois sociétaux, rarement de gouvernance (ESG). La «durabilité» reste un concept intuitif et rassembleur, mais difficile à cerner, et à fortiori rarement normé. Rarement des chartes sont rédigées, et les sondés évoquent plutôt des principes, des critères (code de conduite), voire un esprit ou un système de valeurs», observent Pascal Seeger, membre d’OpRisko et intervieweur bénévole, et Cyrille Renard, président. L’étude met également en garde à propos de la forte remise en question que peuvent provoquer les révisions des processus internes. Elle rappelle qu’une approche opportuniste et superficielle ou l’exécution de mesures très limitées peuvent vite mener au greenwashing et nuire à la réputation de l’entreprise.
«Les principales mesures sont d’ordre commercial à l’adresse des clients, centrées sur l’offre des produits et services, comme la notation de la durabilité des clients et des fournisseurs, par exemple; à l’interne de l’entreprise, elles concernent le tri des déchets, les économies d’énergie, ou l’incitation à la mobilité douce, par exemple. En revanche, agir à plus large spectre et de manière plus profonde, comme analyser le cycle de vie de ses produits ou de ses services, reste un défi pour le management de l’entreprise», ajoutent Pascal Seeger et Cyrille Renard.
DEUX OBSTACLES MAJEURS
Si les résultats de l’enquête semblent valider le postulat des auteurs de l’étude, qui veut qu’une stratégie intégrant les dimensions sociales, environnementales et de bonne gouvernance contribue à la maîtrise des risques d’entreprise, la mise en place est encore compliquée. A la vue des réponses collectées, le constat montre certes que l’enjeu de la durabilité est identifié, mais que les mesures à prendre et les moyens engagés pour atteindre les objectifs paraissent dérisoires.
Deux obstacles sont identifiés. Le premier est le manque de définition claire de la durabilité admise en interne au sein des entreprises sondées. Le second obstacle se manifeste lorsque les entreprises n’ont pas d’approche structurée de la gestion des risques. Cela en touche un grand nombre. Or, la gestion des risques nécessite une approche structurée. Pour Cyrille Renard et Pascal Seeger, «les auteurs de l’étude pensent que mettre en avant les avantages d’une approche durable économiquement viable et illustrer les résultats positifs des entreprises qui appliquent ces principes peut ainsi faire changer les mentalités.»
VISER LA PÉRENNITÉ
Tout d’abord, il faut formaliser, même schématiquement, la gestion des risques. Ensuite, il faut définir la notion de durabilité et les enjeux qui en découlent pour l’entreprise et ses parties prenantes. Enfin, il faut intégrer la durabilité à la gestion des risques, ce qui est propre à chaque structure. Cette étude a permis de mieux faire connaître les mesures en place même si le chemin est long et sinueux pour que les organisations progressent réellement dans le domaine de la durabilité. «Au début d’un changement stratégique important, nous sommes d’avis qu’il est utile de se faire aider par un expert. Dans les entreprises sondées, l’initiative était prise par le sommet de la hiérarchie, à savoir: demande des propriétaires d’entreprises de pousser vers des valeurs de durabilité, suivi par les directeurs qui s’approprient ces objectifs pour les appliquer dans la chaîne de valeur des processus de production», précisent Pascal Seeger et Cyrille Renard. «Au terme de cette étude, nous sommes convaincus de l’importance d’un développement économique et social «durable», et que l’éclairage qu’apporte notre étude devra être poursuivi et approfondi dans cette direction. Non seulement la prise en compte des critères ESG sera à l’avenir incontournable dans toute activité humaine, mais le domaine de la gestion des risques d’entreprise devra inévitablement intégrer des critères adaptés, afin d’anticiper et répondre judicieusement aux éventuelles conséquences néfastes pour les économies. C’est pourquoi notre travail mérite d’être mené sur un échantillon plus large d’entreprises ,publiques comme privées, avec un panel encore plus diversifié de secteurs économiques.»
Cette étude pourra faire l’objet d’une actualisation post Covid-19. «En effet, cette crise économique sans précédent, faisant suite aux conséquences des mesures adoptées contre une longue crise sanitaire, apportera inévitablement son lot de coupes budgétaires, aussi bien au sein des Etats que dans les entreprises. C’est le moment idéal pour revoir en profondeur ses processus et ses objectifs à long terme pour viser la pérennité», estiment Pascal Seeger et Cyrille Renard.